Revirement de jurisprudence concernant le sort du compte courant d’associé après l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire
Par un arrêt de la Cour de cassation en date du 13 décembre 2016 n° 14-16.037, la Cour de cassation avait pu juger que le compte courant d'une société était clôturé par l'effet de la liquidation judiciaire de la société, et qu’il en résultait que le solde de ce compte courant était immédiatement exigible de la caution après l’ouverture de la liquidation judiciaire.
Cet arrêt avait suscité des critiques et des interrogations de la part de la doctrine.
La Cour de cassation a eu a connaitre d’une affaire dont les faits étaient relativement similaires, et a opéré un revirement de sa jurisprudence de 2016.
Pour rappel, les faits étaient les suivants : une société X a ouvert un compte courant auprès d’une banque.
Le 07 février 2018, une autre Société Y s'est portée caution de tous les engagements de la société X envers la banque à hauteur d'un montant de 150 000 euros.
La Société X a été placée en redressement judiciaire au mois de juillet 2018, puis en liquidation judiciaire au mois de juillet 2019.
La Banque a déclaré sa créance à hauteur d’environ 48.000€, et a cherché à obtenir le paiement de ladite créance auprès de la caution, la Société Y, notamment sur la base de la jurisprudence de 2016 alors applicable.
Mais cette fois, la Cour de cassation a tenu compte des critiques qui avaient été formulées, et a modifié sa jurisprudence.
La Cour de cassation a pu ainsi juger qu’il résulte de l’article L. 641-11-1, I, alinéa 1er que, nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture ou du prononcé d’une liquidation judiciaire.
La Cour de cassation a pu ensuite préciser que l’arrêt de 2016 avait fait l’objet de critiques, et n’avait pas été repris par la jurisprudence ultérieure.
En conséquence, la Cour a modifié sa jurisprudence, et a jugé que le compte courant non clôturé avant le jugement d’ouverture constitue un contrat en cours, de sorte qu’en l’absence de disposition légale contraire, les textes précités lui sont applicables, et qu’ainsi, il convient de juger désormais que l'ouverture ou le prononcé d'une liquidation judiciaire n'a pas pour effet d'entraîner la clôture du compte courant du débiteur.
En conséquence, le compte courant demeure un contrat en cours, et sa résiliation ne pouvait résulter de l'ouverture de la liquidation judiciaire : il s’en déduit que la clôture du compte n'étant pas intervenue, le solde n'est pas devenu exigible, de sorte que la caution n'est pas tenue.
La décision :
Cass. Com. 11 sept. 2024, nº 23-12.695, FS-B