Caractère fictif d’une donation portant sur une somme d’argent

En cas de donation de la nue-propriété d’une somme d’argent avec réserve de quasi-usufruit, l’administration fiscale peut être tentée d’agir sur le fondement de l’abus de droit.

Le Comité de l’abus de droit fiscal (CADF) a eu à se prononcer en cours d’année sur la question.

Les faits :

Par un acte notarié de donation-partage conclu en 2010, une femme donne la nue-propriété d’une somme d’argent, d'un montant total de 3.200.000 euros, à chacun de ses deux fils. Du fait de son âge, la valeur de la nue-propriété est estimée à 80% de la somme, ce qui entraîne alors le paiement de DMTG à hauteur de 635 k€.

Au décès de la donatrice, la déclaration de succession mentionne, au passif, la prise en compte d’un passif correspondant au quasi-usufruit, soit un passif de 3.200.000 euros.

L’administration fiscale considère que la donation-partage était fictive, faute de dessaisissement de la donatrice et d’intention libérale, et que son unique but était de réduire la base taxable au moment de la succession en raison de l’obligation de restitution pesant sur l’usufruitier. Elle relève également l’absence de mention, dans l’acte de donation, de références bancaires permettant d’identifier le capital transmis, et de clause prévoyant l’information des nus-propriétaires sur l’utilisation et le remploi des fonds.

L’administration ayant mis en oeuvre la procédure de l’abus de droit, elle ajoute au montant des DMTG redressé la majoration de 80% prévue par l’article 1729 b du CGI.

L’avis du Comité :

Le Comité relève que suite à la constitution du quasi-usufruit nait une dette de restitution, matérialisée au décès, alors même que cette dette n’est pas assortie d’une sûreté.

Le Comité constate qu’à la date de la donation, la donatrice ne disposait pas effectivement de l’intégralité de la somme transmise, mais d’un montant de 2.952.150 euros, soit un différentiel de 247.850 euros. De ce fait, le Comité ne remet en cause la déduction dans le passif de succession qu’à hauteur de ce dernier montant car il considère que l’acte de donation n’est fictif qu’à hauteur de cette somme dont ne disposait pas effectivement la donatrice lors de l’acte.

Le Comité précise également qu’en cas de quasi-usufruit, et à l’expiration de l’usufruit initial, la dette de restitution est constituée, en application de l’article 587 du Code civil, « soit de choses de même quantité et qualité, soit leur valeur estimée à la date de la restitution ». Aussi, la dette avait alors vocation à être acquittée par l’ensemble de l’actif successoral. Le Comité relève à ce titre que le patrimoine de la donatrice recelait, à son décès, suffisamment d’actifs permettant le remboursement de cette dette.

Compte tenu de ces éléments, le Comité considère que l’administration fiscale n’était fondée à remettre en cause le passif successoral qu’à hauteur du montant dont ne disposait pas effectivement la donatrice lors de l’acte de partage, soit un montant de 247.850 euros.

Il est intéressant de noter que l’administration fiscale s’est alors rangée à l’avis émis par le Comité.

La question du caractère fictif des donations en matière fiscale est un sujet récurrent. Pour établir ce caractère fictif, il faut normalement démontrer l’absence de dépouillement irrévocable du donateur, ce qui peut être délicat lorsque la donation porte sur une somme d’argent.

En la matière, il est fondamental de démontrer que le donateur était en capacité de se dépouiller et non pas de délivrer des garanties au donataire (en l’espèce, mentions dans l’acte).

Le Comité nous démontre ici que dès lors que le donateur est en capacité de transmettre la somme car il en est effectivement titulaire lors de l’acte de donation, le caractère fictif de la donation ne peut pas être valablement retenu.

Il est toutefois important de préciser ici que l’existence de la créance lors de l’acte ne pourra pas suffire dès lors qu’il est manifeste, lors de la conclusion de l’acte, que le quasi-usufruitier se retrouver dans une situation patrimoniale rendant impossible le recouvrement de la créance par le nu-propriétaire. Un contrôle concret de la réalité des chances des nus-propriétaires de voir leur créance réglée devra donc être opéré.

CADF, séance n°1/2023 en date du 11 mai 2023.

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