Quels frottements fiscaux en cas de mise en société ?

L’entrepreneur qui a débuté l’activité par le biais d’une entreprise individuelle exploite un fonds constitué par différents éléments nécessaires à l’activité (clientèle, stock, matériel, …).

Au moment de passer en société, il peut légitimement s’interroger sur le devenir de ces actifs. Peut-il débuter la société (personne morale distincte de lui-même exploitant individuel) et continuer à utiliser ces actifs librement ?

La société nouvellement créée n’est pas propriétaire de ces éléments. Aussi, si elle veut les utiliser dans le cadre de cette activité, il va falloir transférer cette propriété de l’entrepreneur vers la société.

Pour ce faire, plusieurs possibilités :

  • Réaliser un apport de l’entreprise individuelle (1),

  • Réaliser une cession de l’entreprise individuelle (2).

Ces deux opérations juridiques n’auront pas les mêmes conséquences juridiques et fiscales pour l’entrepreneur.

1) L’apport

L’hypothèse d’un apport permet à l’entrepreneur de transférer la propriété des éléments du fonds lors de la constitution de la société.

Dès lors que l’apport est effectué à la constitution (et donne droit à des titres de la société constituée), on dit que l’apport est pur et simple.

L’apport peut également être rémunéré par des obligations, des espèces ou encore la prise en charge du passif de l’entreprise individuelle, on parle alors d’apport à titre onéreux.

L’intervention d’un commissaire aux apports ne sera pas nécessaire ici pour fixer la valeur des apports et déterminer le montant du capital qu’ils représenteront dès lors que le montant de l’apport est de moins de 30.000 euros et qu’il n’excède pas la moitié du capital social.

IMPACT FISCAL :

  • Résultats de l’entreprise individuelle : En cas d’apport de l’entreprise individuelle, on considère qu’il y a une cessation d’activité qui entraîne une taxation des bénéfices latents de l’entreprise individuelle.

  • Droits d’enregistrement : Les apports de fonds réalisés à la société sont exonérés de droits d’enregistrement dès lors que l’apporteur s’engage à conserver, pendant 3 ans, les titres reçus en échange de l’apport.

  • Plus-values professionnelles : Fiscalement, l’apport de l’entreprise individuelle est considérée comme une cession, qui entraîne taxation de la plus-value professionnelle liée à la prise de valeur du fonds. Dès lors que ce fonds a été créé par l’entrepreneur, la plus-value correspond à sa valeur lors de l’apport. Il existe un régime de différé d’imposition prévu par l’article 151 octies du CGI. Ce régime prévoit que la plus-value sur les éléments amortissables n’est pas imposée chez l’entrepreneur individuel, mais réintégrée dans le résultat imposable de la société avec une taxation sur une période maximum de 5 ans. La plus-value sur les éléments non amortissables (notamment les éléments incorporels) est quant à elle reportée dans le temps jusqu’à ce que les parts reçues par l’apporteur soient cédées, rachetées ou annulées. Ce dernier report d’imposition ne s’applique que si l’apporteur est une personne physique apportant une branche complète d’activité ou une entreprise individuelle au profit d’une société nouvelle qui reprendra à son actif les stocks de l’entreprise individuelle.

2) La cession

Dans cette hypothèse, l’entreprise individuelle va être cédée à la société nouvellement créée. Cette opération n’aura alors pas d’incidence sur le montant du capital de la structure cessionnaire.

L’avantage de cette hypothèse est que la société peut s’endetter pour racheter l’entreprise individuelle, et rembourser l’emprunt et les intérêts grâce aux revenus tout en déduisant les intérêts de cet emprunt de son résultat imposable.

L’autre avantage ici est que l’entrepreneur reçoit immédiatement un prix de cession correspondant à l’opération.

Il est ici recommandé d’avoir recours à un avocat pour réaliser l’acte de cession.

IMPACT FISCAL :

  • Résultats de l’entreprise individuelle : En cas de cession de l’entreprise individuelle, et de clôture ensuite de cette dernière, il y aura une cessation d’activité qui entraîne une taxation des bénéfices de l’entreprise individuelle.

  • Droits d’enregistrement : La cession du fonds entraîne l’exigibilité de droits d’enregistrement dont le montant varie en fonction de la valeur du fonds. Pour la fraction du prix de 0 à 23.000 euros, on applique un taux de 0%. Pour la fraction du prix allant de 23.000 euros à 200.000 euros, on applique un taux de 3%. Au-delà, on applique un taux de 5%.

  • Plus-values professionnelles : Lors de la cession, l’entrepreneur va réaliser une plus-value correspondant à la valeur de l’entreprise transmise. Deux types de plus-values peuvent être réalisées, une plus-value dite à court terme si le fonds cédé est détenu depuis moins de 2 ans (imposition au barème progressif), une plus-value dite à long terme dès lors que le fonds est détenu depuis plus de 2 ans (imposition 30% au PFU).

    Il existe ici plusieurs régimes d’exonération applicables :

    En fonction du montant du prix de cession (art. 238 quindecies du CGI), si le prix est inférieur à 500.000 euros, exonération totale, jusqu’à 1.000.000 euros, exonération partielle, et aucune exonération au-delà.

    En cas de départ à la retraite (art. 151 septies A du CGI) du dirigeant, une exonération totale est possible si l’activité est exercée depuis au moins 5 ans, que l’entreprise compte moins de 250 salariés, réalise un chiffre d’affaires de moins de 50 millions d’euros, et que le dirigeant fait valoir ses droits à la retraite sous 2 ans après la cession. Attention, car ici les prélèvements sociaux resteront dus, au taux de 17,20%, même en cas d’exonération.

    En fonction du montant des recettes (art. 151 septies du CGI), l’exonération sera totale si l’activité est exercée depuis au moins cinq ans, que l’entreprise individuelle était soumise à l’IR et que les recettes sont inférieures à 250.000 euros en BIC ou 90.000 euros en BNC. Au-delà de ces seuils, une exonération partielle est possible jusqu’à 350.000 euros en BIC et 126.000 euros en BNC.

Remarque : Dans cette hypothèse, l’entrepreneur récupère un prix de cession sous forme de liquidités. Il peut toutefois choisir de ne pas toucher directement ce prix de cession qui sera inscrit dans son compte courant d’associé. Il pourra alors le percevoir au fur et à mesure du remboursement de ce compte courant, sans imposition, voire même percevoir des intérêts sur ce montant inscrit en compte (les intérêts seront quant à eux imposés).


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