Abus de droit et régime mère-fille : mise en oeuvre de la procédure
En matière d’abus de droit, l’administration, même lorsqu’elle caractérise un montage artificiel, ne peut requalifier des revenus sur le fondement de l’article L. 64 du LPF si elle n’écarte aucun acte comme ne lui étant pas opposable.
Suite à une vérification de comptabilité, l’administration fiscale remet en cause le bénéfice du régime de faveur mère-fille appliqué par la société BNP Paribas aux dividendes qu’elle avait perçu de la société Bank of the West. Les titres de la société Bank of the West avaient été préalablement cédés à BNP Paribas par une autre de ses filiales, la société BWC.
L’administration fiscale utilise la procédure de répression des abus de droit pour remettre en cause l’usage du régime de faveur.
Par principe, s’il est possible d’appliquer le régime mère-fille aux dividendes remontés entre deux sociétés répondant aux conditions de ce régime, un tel régime n’est pas applicable dans des situations de pension de titres.
Nota bene : La pension de titres est l’opération par laquelle des titres financiers sont cédés en pleine propriété alors que le cessionnaire s’engage à rétrocéder les titres à un prix et une date convenue au cédant. La pension entraîne alors, pour le cédant, un maintien des titres à son actif. Le cessionnaire enregistre, quant à lui, une créance sur le cédant à son actif.
En l’espèce, il ressort d’un pacte d’actionnaires conclu entre la BNP et BWC qu’une procédure de rachat des titres était prévue par le biais d’options d’achat au bénéfice de BWC et d’options de vente au bénéfice de la BNP, avec un accord sur la temporalité de ces options ainsi que sur le prix à pratiquer.
L’administration fiscale a pu ainsi considérer que les dividendes perçus par la BNP devaient être requalifiés d’intérêts, revenus de la créance générée par la situation de pension de titres.
La cour administrative d’appel a également jugé que la rémunération versée à la société BNP Paribas n’avait pas la nature de dividendes éligibles au régime mère-fille mais celle de produits de créances intégralement soumis à l’impôt sur les sociétés. Elle déduit alors que l’administration fiscale était fondée à réintégrer ces montants dans la base imposable de la BNP Paribas.
Toutefois, Le Conseil d’Etat vient à considérer que l’administration fiscale, qui procède à une simple requalification sans écarter aucun acte, n’est pas fondée à mettre en oeuvre l’article L.64 du LPF.
Il procède ainsi à une cassation de l’arrêt d’appel et renvoie l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Paris.
Conseil d’Etat, 3ème chambres réunies, 23 juillet 2024, n°481894