SAS : Révocation du président, statuts et pacte d’associés

Par un arrêt du 18 septembre 2024, la Cour de cassation a déclaré illicite la révocation du président d’une SAS intervenue sans respecter la procédure imposée par un pacte signé entre les associés de la société.

Dans cette espèce, trois sociétés sont associées d’une quatrième société. Les trois sociétés établissent et signent entre elles un pacte d’associés. Celui-ci prévoyait notamment que la révocation du président de la société ne pouvait intervenir que sur décision d’un comité exécutif.

Le dirigeant de l’une des sociétés associées a cependant notifié au président de la société sa révocation, sans décision dudit comité. Ce dernier a ensuite contesté cette révocation. La cour d’appel a accueilli sa demande et retenu la responsabilité in solidum de la société associée précitée et de son dirigeant, les condamnant à verser des dommages et intérêts au président révoqué.

Elle juge en effet qu’en l’absence de production d’une décision du comité exécutif actant cette révocation, comme prévu par les stipulations du pacte d’associés, ladite révocation était donc intervenue de manière illicite. L’associé concerné contestait cette décision en arguant du fait que seuls les statuts peuvent fixer les conditions dans lesquelles la société est dirigée.

La Cour juge pragmatiquement que la procédure prévue par le pacte d’associé n’ayant pas été respectée, la révocation était illicite.

Par cette décision, la Cour confirme donc que, si dans une SAS, les statuts fixent les conditions dans lesquelles une société est dirigée (article L. 227-5 du Code de commerce), cela n’empêche pas un pacte conclu entre actionnaires de fixer une procédure spécifique pour procéder à cette révocation.

Cette décision s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle, par laquelle la Cour avait dans un premier temps posé le principe selon lequel seuls les statuts de la SAS pouvaient fixer les conditions de sa direction (Cass. Com. 25 janvier 2017, n°14-28.792).

Elle a ensuite admis, en 2022, que “si les actes extra-statutaires peuvent compléter ces statuts, ils ne peuvent y déroger” (Cass. Com. 9 mars 2022, n°19-25.795). 

La Cour vient donc, par cet arrêt, appliquer sa jurisprudence, en jugeant que le fait qu’un pacte d’associés soumettent la révocation à une décision d’un comité exécutif n’est pas une dérogation aux statuts mais un complément.

Il est donc possible de prévoir une procédure particulière de révocation du président de la SAS par le biais d’un pacte d’actionnaires, mais il conviendrait à notre sens de s’assurer que le pacte soit bien conforme aux dispositions statutaires, et n’y dérogent pas. Auquel cas, seule une décision de l’assemblée générale des associés, prise à l’unanimité, pourrait adopter une convention extrastatutaire précisant des modalités de révocation divergentes des dispositions statutaires. C’est notamment ce qu’a pu juger la Cour d’appel de Paris (CA Paris 16-11-2023 no 22/10344).

En somme cet arrêt, bien que non publié au bulletin, est riche d’enseignements sur l’articulation statuts/pacte d’actionnaires dans une SAS, et son opposabilité aux tiers.

Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 septembre 2024, n°22-23.075

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