Combien de temps Maître ? Les droits d’enregistrement
“Jusqu’à quand l’administration fiscale peut-elle me contrôler ?”
Tout avocat fiscaliste qui contesterait avoir déjà entendu cette phrase serait surement de mauvaise foi. La question, posée par un client précautionneux, se rattache à une problématique plus vaste : celle de la prescription.
La prescription, d’un point de vue purement sémantique, représente le délai, au-delà duquel toute action serait irrecevable.
En matière fiscale, il existe différents délais de prescription en lien avec les différents impôts et taxes présents dans le paysage français.
Dans ce premier épisode, nous allons nous pencher sur les droits d’enregistrement.
On parle de droit d’enregistrement ou de droit de mutation dès lors qu’un impôt ou taxe vient frapper la formalité relative à une mutation effectuée à titre gratuit, un transfert de propriété constaté ou non par un acte. En langage vulgarisé, il s’agit de l’impôt dû lors d’un changement de propriétaire à titre gratuit, que ce changement s’opère par voie de succession ou de donation. Dès lors que le transfert s’opère à titre “onéreux” (i.e. une vente), on parlera plutôt de taxe sur la publicité foncière car l’enregistrement est couplé avec cette dernière taxe.
Exemple : Un père donne des actions pour une valeur globale de 135.000 euros à sa fille et déclare cette donation via le formulaire CERFA n°2735. L’abattement de 100.000 euros applicable en ligne directe n’ayant jamais été utilisé, l’assiette des droits de mutation (car il y a transfert de propriété de ces actions du père à la fille) est de 35.000 euros.
La prescription en matière de droits d’enregistrement est la durée au cours de laquelle l’administration peut valablement vérifier, contrôler et remettre en question le montant des droits payés par le contribuable.
1. Le délai de prescription de droit commun, dit “long”
Il existe un premier délai, dit “long”, de droit commun. L’article L 186 du Livre des Procédures fiscales prévoit ainsi que, dans tous les cas où aucun texte fiscal ne prévoit de délai plus court ou plus long, le droit de reprise de l’administration peut s’exercer jusqu’à l’expiration de la 6ème année suivant celle du fait générateur de l’impôt.
Exemple : Dans notre cas de figure où le père donne à sa fille, si la donation intervient courant 2023 et qu’elle n’a pas été déclarée, l’administration fiscale peut venir procéder à un contrôle jusqu’au 31/12/2029 (N+6).
2. Le délai de prescription abrégé, dit “court’
Il existe un délai dérogatoire, dit “court” dès lors que l’exigibilité des droits a suffisamment été révélée par l’enregistrement d’un acte ou d’une déclaration, ou par l’exécution de la formalité fusionnée, sans qu’il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures.
L’idée est de réduire la prescription toutes les fois où l’administration n’a pas besoin de réaliser des recherches particulièrement contraignantes pour se douter d’une omission ou d’une faute.
L’application de la prescription courte nécessite de réunir plusieurs conditions :
L’enregistrement de l’acte de donation ou de succession,
L’absence de recherches ultérieures par l’administration.
Cette prescription abrégée peut s’exercer jusqu’à l’expiration de la 3ème année suivant celle du fait générateur de l’impôt.
3. Les délais spéciaux
En sus des délais de 3 et 6 ans, il existe des délai spéciaux :
Depuis 2009, il existe un délai de prescription spécial d’un an pour les contribuables souhaitant demander spontanément le contrôle de leurs déclarations. En contrepartie de cette demande spontanée, l’administration ne pourra plus proposer de rehaussement ultérieur relativement à cette déclaration. Attention, ce délai spécial ne concerne pas les déclarations de dons manuels et les changements de régime matrimonial.
Depuis 2011, il existe un délai spécial permettant à l’administration fiscale de contrôler les valeurs déclarées dans les actes soumis au rappel fiscal. L’administration pourra alors rectifier la valeur des biens ayant fait l’objet d’une donation antérieure pour les seuls besoins du rappel fiscal. Le droit de reprise s’exerce jusqu’à l’expiration de la 3ème année suivant celle au cours de laquelle est enregistré la déclaration faisant état d’une donation antérieure.
4. Les délais exceptionnels
En sus des délais dérogatoires, il existe un délai exceptionnel de 10 ans permettant à l’administration fiscale de redresser des situations bien particulières :
Les avoirs bancaires à l’étranger non déclarés (et surtout toute imposition liée à ces avoirs)
L’imposition révélée par une réclamation ou une instance judiciaire.
Il ressort de ce qui précède que, rien qu’en matière de droits d’enregistrement, pas moins de cinq délais distincts coïncident. Nul doute que tous les contribuables auront besoin d’un fiscaliste averti pour s’assurer de leur tranquillité d’esprit.
Si vous souhaitez en savoir plus, et connaître les délais de prescription applicables à votre propre situation, n’hésitez pas à contacter notre équipe !